Grâce à la question sur la principale langue parlée par chacun des individus au sein de leur ménage, posée dans son dernier recensement de la population de 2013, le Bénin rejoint plusieurs autres pays, comme le Sénégal, le Rwanda, les Comores, les Seychelles, le Niger, la Mauritanie, l’île Maurice, le Maroc, le Gabon pour ne citer que ceux-là, avec la possible d’examiner la configuration des groupes sociolinguistiques et des langues parlées, mais surtout, d’étudier ou de comprendre leurs interactions dans un contexte de diversité ethnique.
À partir des données extraites de ce recensement, il établit que l’assimilation linguistique n’épargne aucune des langues nationales du Bénin et qu’elle est plus fréquente au fur et à mesure que l’on s’éloigne des aires d’implantation ou de concentration de chacun des groupes ethniques, particulièrement dans les agglomérations urbaines et parmi les personnes n’appartenant pas au même groupe ethnique que le chef de ménage.
La modernisation de l’environnement socio familial des ménages ainsi que leur tendance systématique à scolariser leurs enfants constituent des évolutions récentes du système des perceptions, des croyances et des attitudes des individus et des ménages, particulièrement en milieu urbain. Dans un tel contexte, de plus en plus de ménages, en particulier les mères, choisissent de transmettre directement le français comme langue maternelle. Ce phénomène qui, probablement, se développe et qui pourrait se généraliser, notamment avec la diversité des formes de mariage et de mode résidentiel des conjoints, suscite une interrogation, celle sur le rôle joué par le phénomène des employés domestiques ou des enfants confiés, ainsi que le développement de l’hétérogamie ethnique.
Selon les données du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), les langues nationales fon, groupe ethnique majoritaire, soit 39 % de la population nationale, sont parlées dans tous les départements du pays. Il en est de même du groupe ethnique Yoruba, dont les langues nationales, tout comme le français, sont parlées dans tous les départements du pays au sein du ménage. Du fait que tous ces groupes ethniques sont par ailleurs localisés dans d’autres pays de la sous-région ouest-africaine, toutes ces langues nationales sont transfrontalières : elles sont parlées dans les localités du Nigeria, du Togo, du Ghana, du Burkina Faso, du Mali ainsi qu’au Niger et même certaines, telle que le Songhaï, se retrouvent au Sénégal.
On ne peut donc nier l’intérêt et l’impact du français en matière d’assimilation linguistique au Bénin. Dans les faits, c’est la langue de travail du pays ; il est systématiquement d’usage exclusif dans l’administration et dans les espaces publics. Qui plus est, la langue qui bénéficie d’une expansion permanente et progressive, de génération en génération, notamment, par le truchement de son usage largement prépondérant dans l’enseignement scolaire, de plus en plus universel et précoce dans le pays, d’où la pertinence du français dans toute analyse démolinguistique nationale.
Selon les statistiques, 0,5 % des Béninois parlent principalement le français dans leur ménage, en lieu et place de leur langue ethnique ou d’une autre langue nationale. Ce taux, non négligeable statistiquement, est une évidence de la prévalence du français dans des milieux familiaux béninois.
Selon l’analyse des assimilations linguistiques des individus, l’expression en français concerne toutes les ethnies du pays, plus remarquablement les Gua/Otamari et les Yoa/Lokpa des départements de l’Atacora et de la Donga (Nord-Ouest/Bénin), groupes ethniques généralement moins scolarisés et linguistiquement fermés.
Bertin Djitrinou