La transhumance reste encore au cœur des préoccupations des acteurs agricoles au Bénin. L’enjeu est de taille, car il ne se passe presque aucune campagne de transhumance sans que l’on assiste à des conflits entre agriculteurs et éleveurs qui se soldent souvent par des affrontements. Des bœufs qui détruisent tout sur leur passage et en face, des cultivateurs qui vivent au quotidien dans le stress.

Mais quelles sont les vraies causes de cette situation aux conséquences fâcheuses ? Et que faire pour trouver une parade à ce mal ? Que font les pouvoirs publics face aux cas d’affrontements répétitifs entre agriculteurs et éleveurs ? Y-at-il des textes de lois qui encadrent l’élevage et la transhumance au Bénin ?

Pendant que les paysans prient pour de bonne récolte en fin de campagnes agricoles, les éleveurs en quête de pâturage, rodent dans les champs avec leur troupeau occasionnant des dégâts de tout genre sur leur passage.

Les efforts de certaines autorités locales pour ériger des couloirs de transhumance semblent encore ne rien donner. Pour preuve, le phénomène est encore à l’origine de nombreuses psychoses et de plusieurs drames chaque année, notamment dans le nord Bénin.

C’est le cas des affrontements entre agriculteurs et éleveurs que le Bénin a enregistré le dimanche 31 mai 2020 suite à une altercation entre un éleveur et agriculteur.

Selon le Docteur Adamou Mama Sambo, président de la Cellule nationale de coordination Bénin de l’Association pour la promotion de l’élevage au sahel et en savane (APESS) et membre de la mission de paix dépêchée sur le terrain à Goungoun. « Ça part toujours d’une altercation entre deux individus et ça devient un conflit entre communautés »

Au titre des dégâts matériel et humain, il y avait eu à l’époque, 9 morts, dont 7 éleveurs et 2 agriculteurs, une cinquantaine de cases brûlées dans les affrontements entre agriculteurs et éleveurs du 31 mai 2020 dans l’arrondissement de Guéné, commune de Malanville.

Selon l’environnementaliste, sociologue des ressources naturelles et directeurs du Groupe d’études et de recherche sur l’environnement et le développement (Gered) Léonce Sacca, les conflits sont liés au mode d’élevage et la pratique de l’agriculture dans notre pays.

« Il se fait que les deux acteurs, qu’ils soient éleveurs ou agriculteurs, ne respectent pas le passage délimité pour faire transiter les animaux. Les agriculteurs débordent parfois sur le couloir parce que le couloir emprunté par les animaux est riche à cause des défections des animaux » explique-t-il.

A en croire le sociologue Léonce Sacca qui va plus loin, « les acteurs ne connaissent pas encore le code pastoral ». La loi dispose, soutient-il que « la personne qui doit être derrière un troupeau de 50 têtes ait au moins au minimum 18 ans révolu. Malheureusement, le constat est tout autre sur le terrain car ce sont les bouviers recrutés ou de petits enfants de 14 ans qui dans leur logique de faire manger l’animal par tous les moyens ne tiennent pas compte des dégâts causés à autrui ». Ainsi, « chacun tire son revenu de son activité parce que le champ de l’agriculteur est ce que le troupeau est pour l’éleveur » affirme-t-il.

La transhumance transfrontalière s’est développée depuis les années 1970 avec la croissance démographique dans le Sahel et la crise de l’élevage qui s’en est suivie. Elle s’est accentuée sous l’effet des changements climatiques observés dans la sous-région.

Il est à noter que de plus, les avancées de la médecine vétérinaire et l’arrivée de grands propriétaires ont engendré une augmentation des cheptels. Ainsi, l’ensemble de ces éléments contraignent les pasteurs à effectuer des déplacements cycliques sur les terres agricoles et agropastorales éloignées pour satisfaire leur bétail.

Toutefois, ce mode d’élevage engendre de plus en plus de conflits entre les agriculteurs des pays d’accueil ou de transit, comme le Bénin, et les éleveurs transhumants des pays sahéliens, à cause de la pression sur les ressources naturelles. Ces conflits surviennent le plus souvent quand les éleveurs sont surpris en flagrant délit de dégradation de biens. Les dégâts enregistrés sont généralement d’ordres matériel (destruction des habitations, des champs, blessures ou abattage des animaux).

Alors, si rien n’est fait, les nombreux investissements dans l’agriculture au Bénin peineront encore à porter leur fruit. Il importe alors, que le gouvernement redouble d’ardeur avec la veille, et que paysans et éleveurs puissent en toute quiétude, profiter du fruit de leur labeur.

Plus que jamais, les couloirs de transhumance doivent être repris et reprécisés et tout contrevenant, doit subir la rigueur de la loi afin que subsiste la paix et la sérénité dans le cœur des béninois et surtout des fermiers.

Bertin Djitrinou